« La folie est un don de Dieu. » (Jim Fergus)
« La sincérité absolue ne peut mener qu’à l’immobilisme ou à la folie » (Marcel Jouhandeau)
Le titre de cette histoire m’est venu d’une manière très spécifique et j’ai osé le faire. Mais évidemment, la question de la folie, de ce terme, doit trouver ici une explication, car il ne s’agit en aucun cas de folie au sens psychiatrique du terme, qui était utilisé bien avant que le langage de la psychologie ne soit institutionnalisé et qui va bien au-delà du concept de maladie mentale. Ouf !
Cependant, la logique est largement obsolète ici. La folie peut être excès, folie ou sagesse, passagère ou excessive.
On parle d’amour fou ou de folie martiale, de folie furieuse ou de folie douce.
On parle aussi de la vertu de la folie, et Marcel Jouhandeau dit : la sincérité absolue ne peut conduire qu’à l’immobilité ou à la folie.
Dans le cas que je vais vous présenter, je crois vraiment qu’il y a une sincérité absolue dans l’amour des vivants, et ici, dans ce cas, c’est l’amour des chats.
Si vous n’aimez pas les chats, vous ne viendrez pas en Grèce, c’est certain. Or, il s’avère que dans certains quartiers, même les Grecs, certains en tout cas, y sont allergiques, intolérants à leur présence, avec toutes les conséquences que cela implique (voir l’histoire de Loulou).
Surpopulation, maladies, mauvais traitements….Marie-Laurence entend être très active dans la promotion de la stérilisation, car c’est la seule solution pour améliorer la situation pour le bien des chats et le confort des humains, car trop c’est trop.
Mais c’est une autre affaire, nous y reviendrons en temps voulu, car pour en revenir à la folie, elle peut être contagieuse et le couple en question dans cette anecdote espère contaminer de nombreuses personnes pour que les chats puissent vivre et bien vivre.
Mais je reviens à mon propos car Marie-Laurence et Lionel sont fous, c’est-à-dire vraiment fous, au point de prendre des risques et de modifier leur quotidien, leurs plans, leurs horaires, leurs finances, pour un petit chat.
Elle s’appelle Mikra.
Toute petite, dans un état misérable, les yeux fermés, bloqués par du pus, d’apparence misérable, elle essayait derrière la grande église de Panagia à Tinos, de se nourrir du bol de croquettes dans lequel les autres chats se précipitaient. À cause de sa faiblesse, elle a été rejetée par ses compagnons. Pauvre petite chose.
Nos amis ont essayé de la nourrir et, surtout, l’ont emmenée chez un vétérinaire réputé.
Nous ne savions même pas si, sous le pus, elle pouvait voir ou si elle serait aveugle comme tant d’autres chats, sans compter que le reste de son corps était dans un état misérable. C’est triste.
Elle a été traitée du mieux possible et le couple est retourné la remettre derrière l’église et je suis sûr que leurs prières sincères étaient pour le salut de cette petite créature.
Ils sont revenus la voir peu avant de rentrer en France.
Déchirés par leur amour et leur désir de faire de leur mieux, ils ont fait tout ce qu’ils pouvaient pour la sauver, mais…
Le bateau arrivait et Marie-Laurence voulait l’emmener en France. Lionel y était fermement opposé. D’une part, le chat était trop jeune pour être vacciné et d’autre part, …. nous ne sommes pas fous !
Une dernière visite à la minette et un cœur plein de tristesse, voire d’angoisse, tant que sur le pont du navire, ils regrettaient déjà de ne pas l’avoir sauvée complètement d’une mort possible. Tous deux pleuraient et auraient presque pu se jeter à l’eau pour revenir, tant ils se sentaient lâches et coupables pour Lionel et désespérés pour Marie-Laurence.
Après avoir passé la nuit dans leur hôtel à Athènes ce samedi fatidique, ils se sont avoués au petit matin qu’ils n’avaient pratiquement pas dormi, car Mikra était toujours présente dans leurs pensées.
Ils se précipitent à l’aéroport et tentent de reporter leur départ pour le jour même, car il a été décidé qu’ils retourneraient à Tinos pour sauver Mikra de son triste sort !
Fous, je vous ai dit qu’ils étaient fous, mais AirFrance ne l’entendait pas de cette oreille. Et ils insistaient, cherchaient avec l’employée de service une solution jusqu’à ce que cette dernière, devant leur insistance leur demande le pourquoi d’un tel acharnement.
Et alors, en réponse, elle leur avoua son amour des chats. Elle-même en avait huit. C’est ainsi qu’elle a remué ciel et terre, – pour une compagnie d’aviation c’est bien ce qu’il faut faire n’est-ce pas ? – et a trouvé une possibilité de report au lendemain soir. Donc en lieu et place du dimanche, ils allaient s’envoler le lundi soir et n’avaient devant eux que quelques heures pour tout mettre en branle afin de sauver la petite créature.
Et hop voilà notre couple qui reprend le ferry ce dimanche soir pour 4 heures de trajet – Entretemps ils avertissent le vétérinaire de leur décision d’adopter la petite minette. Cela leur avait été suggéré au départ mais le refus de Lionel était catégorique. Comme quoi il n’y a que les idiots qui ne changent pas d’avis et Lionel est tout sauf idiot, en revanche c’est un grand sentimental.
Averti par message le dimanche dans la nuit que le couple revenait, le vétérinaire leur a proposé de faire tout le nécessaire en urgence lundi et tâcherait de trouver un créneau horaire pour vacciner, faire les papiers, même si la chatte était trop jeune pour cela et l’ausculter une dernière fois. Les heures étaient courtes car il fallait reprendre le ferry à temps pour, le jour même, prendre l’avion dans son envol reporté.
Horreur, en arrivant à la hauteur de Tinos, le ferry n’aborde aucun virage et poursuit sa route sur Mykonos. Affolés ils apprennent que ce n’est qu’au retour que le ferry abordera Tinos. Leur cœur battait à tout rompre. Mais il est passé 23 heures et le loueur de voiture averti ne va quand même pas les attendre toute la nuit ! eh ben oui, ils les a attendus. (C’est le même loueur que je conseille à mes clients, non seulement il est sympa, mais il vous fait un rabais, car en tant que clients d’Antoinette vous y aurez droit).
Cette fameuse nuit, à la lumière de leurs téléphones, ils recherchent la chatte. Allaient-ils seulement la voir ? Squattait-elle toujours les arrières de l’église ? les bénédictions orthodoxes allaient-elles pleuvoir jusqu’à elle ?
Ils la retrouvent enfin, à leur immense soulagement
Mais où dormir ? A cela ils n’avaient pas pensé, toutes leur âme étant focalisée sur la chatte.
Comme pendant leur séjour, ils étaient hébergés – c’est un grand mot – dans une sorte d’étable, qu’ils l’avaient bien dépoussiérée et mise en ordre, en douce, dans la nuit noire, ils s’y sont à nouveau glissés et se sont reposés soulagés.
Et c’est finalement, carnet de vaccination officiel en main, qu’ils purent emmener la petite chatte à Paris et sans un miaulement !….Elle fut d’une sagesse extrême durant le voyage, comprenant que son destin avait pris une tournure inespérée.
Ce n’est qu’une fois certaine d’avoir trouvé son nouveau gîte qu’elle leur a mené une vie d’enfer pendant plusieurs mois. Elle leur en a fait voir de toutes les couleurs, jusqu’à leur faire regretter leur décision.
Mais cela n’a pas duré, aujourd’hui Mikra est folle de Lionel, lui fait des mamours, le surveille dans ses faits et gestes, le guette au moment du coucher. Quand il se lave les dents le soir, elle monte et miaule, l’appelle, l’attend, lui chante des berceuses pour l’attirer au lit et ronronne, ronronne du bonheur partagé.
Marie-Laurence n’est pas jalouse. Et tous deux sont tellement heureux d’avoir donné à cette chatte une vie digne d’être vécue.
Mais qui d’entre nous aurait été capable d’une telle folie ?
Quand je vous parlais de folie, je parlais de déraison, d’inconscience, de caprice, de bizarrerie, d’absurdité, d’excentricité, de passion.
J’évoquais aussi la folie de l’amour, de l’amour fou, d’actions hors du commun….
J’ai rencontré des fous. Ils s’appellent Marie-Laurence et Lionel et je suis touchée de les connaître et d’être contaminée…un peu