Je me rendais dans un endroit que j’aime particulièrement, à Mali, ou plutôt dans le petit hameau, autrefois de pêcheurs, juste avant Mali.
La plage là-bas n’est pas aussi confortable qu’à Mali, car il y a des pierres alors qu’à Mali il y a du sable.
En tout cas les deux endroits sont beaux, pas vraiment abandonnés comme on pourrait le penser au début, non, car des travaux de rénovation sont en cours et on peut voir les étapes au fur et à mesure de la visite.
En tout cas, j’aime y aller. C’est à environ 15 km de Pirgos. Dans l’un des derniers grands virages avant Pirgos, avant le magnifique musée de sculpture et de marbre, juste à côté de l’académie des arts, vous prenez une petite route sur la gauche en descendant dans Pirgos. Si vous voyez le panneau du musée ou de l’Académie des Beaux-Arts sur votre droite, vous êtes allé trop loin dans la descente. Revenez en arrière dans un ou deux virages et vous verrez un panneau sur la droite indiquant, entre autres, le Mali.
Bref, en cet après-midi ensoleillé, je m’engage sur cette route, traverse le premier village où je me suis promis de m’arrêter au moins une fois lorsque la taverne est ouverte. J’imagine qu’à part quelques vieux du village, ils ne doivent pas vraiment gagner leur croûte.
Il y a aussi, non loin, sur la droite, en hauteur, une petite église, haut perchée et très jolie. La vue doit être superbe. Un jour, quand mes mollets seront prêts, je m’attaquerai à cette ascension.
Eh bien, je continue et à partir de là, c’est un rêve, tant c’est splendide.
Bien sûr, c’est un peu lunaire au début, rochers, blocs, marbre, schiste et granit s’entremêlent…
- Les micaschistes constituent la majeure partie de la partie occidentale de l’île et culminent à Polemou Kampos (650 m). On les trouve dans la partie orientale de l’île. Cette zone de micaschistes est aussi celle du marbre, dans un lit de 20 à 30 mètres d’épaisseur sur les schistes, le marbre du site de Pyrgos, et surtout le marbre bleu-gris qui était très utilisé à Délos à l’époque hellénistique, Les amphibolites constituent la majeure partie de la partie orientale de l’île, notamment la serpentine verte qui forme le sommet de Tsikinias (714 m), Le granit s’élève au nord-est, créant le sommet d’Exomborgo.
… et ici et là des arbustes, des fleurs. C’est tellement beau. Beau, d’une beauté à couper le souffle, pur.
Du blanc, du brun, du gris, du noir, du vert et la mer. La mer d’un bleu magistral sous un ciel d’un bleu éclatant.
Mais comme c’est beau, mon coeur exulte. Et soudain, de petites vallées avec des oliviers tordus par le vent. Et toujours des fenêtres bleues. En face de Syros.
Je roule dans ma Toyota, 4/4. Oui, je n’ai pas pris mon vieux tacot, car plus bas, quand je descendrai vers les carrières de marbre, la route deviendra difficile et il faudra que je m’accroche, surtout en montant. Il faut foncer, c’est raide.
La première fois que j’y suis allé, j’avais une 1400 CV de location. C’était en 2018 lors de mon premier séjour, mais c’est une autre histoire. J’ai dû foncer, appuyer sur l’accélérateur comme un démon. Une voiture qui était un peu derrière moi n’a pas pu me suivre. Je les ai attendus pendant un bon moment, une fois arrivé au sommet. Ils ne sont jamais arrivés. Je ne sais pas comment ils sont sortis.
J’ai hésité à redescendre pour leur donner un conseil, mais s’ils remontaient, nous n’aurions pas pu nous croiser et si le chauffeur était hésitant, je ne sais pas ce qui se serait passé et franchement, je n’ai pas envie de finir dans le ravin, même s’il est bordé de marbre.
Alors j’avance, émerveillé par ce paysage sublime. C’est sûr, je vous y emmènerai. Et, poursuivant mon voyage, je remarque qu’il est différent des autres fois. Cette fois-ci, on me conduit un peu sur la gauche, loin de la côte, un peu plus à l’intérieur des terres. Comme ce n’est pas la première fois que je fais une erreur, pour enfin atteindre mon but, je continue et surprise, j’arrive dans un village. Eh bien, village est un grand mot. Une grande maison, haute et large, profonde aussi, des portes grandes ouvertes et à droite 2 plus petites. Bien, bien, bien, je n’ai jamais remarqué un tel endroit. La grande maison est juste au bas d’un carrefour et j’ai envie d’aller tout droit, même si je ne suis pas sûr. Qu’est-ce que j’ai à perdre de toute façon, j’aime découvrir de nouveaux endroits, de nouvelles atmosphères. C’est là que je trouve mon plaisir. Je déteste la routine.
Et là, juste à droite, je vois au bord d’une petite excavation, mais juste devant la grande maison et au-dessus des deux petites, une sorte d’écureuil noir qui apporte quelque chose à ses petits. Je les vois, c’est génial. Je m’arrête et au même endroit un autre animal, entre la belette et la fouine, noir, allaitant sa portée. C’est incroyable, je n’ai jamais vu ça avant. Je descends pour mieux les observer. Ils n’ont pas peur et restent là tranquillement comme s’ils ne me voyaient pas. C’est extraordinaire. Une extase….
Je sors de la voiture et je demande mon chemin.
J’appelle : Ola. Oui, c’est un peu grec, le peu que je peux dire pour me présenter, et j’entre dans ce qui ressemble à un immense hangar, avec des machines et des outils. Le sol est en terre battue. Quelques poulets errent autour. L’espace est gigantesque, désert.
Ola, il y a quelqu’un ?
Un grand type, à l’air plutôt sympathique, s’approche et j’essaie de comprendre quel chemin prendre pour rejoindre mon petit port de pêche. Ok, je comprends… Il me semble, mais je n’ai pas vraiment de confirmation auditive, c’est un peu flou, juste l’impression qu’effectivement on m’invite à aller tout droit, puis à descendre à droite pour retrouver l’ancienne route, celle que j’ai perdue et que je prenais habituellement. Mais tout est flou, étrange, une réalité floue, pas vraiment compréhensible. Pourtant, je n’ai ni bu ni fumé…
Je le remercie et m’apprête à remonter dans la voiture en sortant du hangar. Et là, à ma grande horreur, ma voiture n’est plus là. Pas là du tout, pas un peu à gauche, pas un peu plus bas. Elle a disparu, elle est partie. On me l’a volée !
Je crie, j’appelle, je hurle …. Mon corps entier tremble de peur. Je suis terrifié. Sans voiture, perdu dans un coin que je ne reconnais pas, loin de tout. Ma voiture, ma tanière, ma presque-maison, mon refuge, mon moyen de transport, mon, mon, mon……… Je crie. Si fort… que ça me réveille !
J’aurais dû m’en rendre compte, il n’y a pas d’écureuils sur l’île, pas de fouines, pas de belettes. Et j’aurais pu me rassurer dans ce cauchemar, ma voiture hybride ne peut pas rouler très loin si les clés ne sont pas dedans. Seigneur, ai-je laissé ma clé à l’intérieur ?
Même lorsque je me réveille, mon cauchemar continue. Il me faudra du temps pour m’en remettre et me promettre de toujours garder les clés sur moi.
Cette leçon vaut-elle un cauchemar ?